Les conseils d’une experte pour le ski de randonnée

J’étais dans l’organisation jeunesse du Club Alpin Suisse CAS, mais j’ai commencé à skier relativement tard. En revanche, j’ai très vite découvert le ski de randonnée et me suis prise de passion pour ce sport. C’est ainsi que j’ai de plus en plus souvent fixé mes peaux de phoque pour partir en randonnée avec des amis et amies. C’était au début des années 80, j’avais donc une vingtaine d’années.

En 1986, donc à 21 ans, j’ai participé au cours d’aspirants-guides. Dans le canton de Berne, j’ai effectivement été la première femme à suivre cette formation. Au début du cours, il y avait environ 70 personnes dans la salle et le responsable technique de Grindelwald a précisé qu’une femme participait. Il a dit: «On ne lui fait pas de cadeau, mais veillez sur elle.» C’est ce qui s’est passé. J’ai toujours eu le sentiment de bénéficier des mêmes droits et du même traitement, j’étais simplement une aspirante. Entre guides de montagne, la collaboration a toujours été bonne, encore aujourd’hui.

Quand j’ai commencé, la part de femmes se calculait encore en pour mille. Cela était sans doute également dû à la prescription légale de l’époque qui imposait d’être apte au service militaire pour suivre la formation. Cette restriction n’a été levée qu’en 1984. Même par la suite, les femmes ne se sont pas pressées au portillon. Il ne faut pas non plus oublier que les exigences envers un/e guide de montagne sont très élevées, au niveau physique comme mental. On a énormément de responsabilités et on doit constamment prendre des décisions. Cela n’est pas donné à tout le monde. Il faut vraiment le vouloir et être mordu. Depuis l’obtention de mon diplôme, j’ai travaillé exclusivement comme guide de montagne et j’en vis. C’était la meilleure décision de ma vie.

Pour moi, le ski de randonnée est presque méditatif. Tu démarres dans un mouvement lent, tu traces ta piste ou en suis une. La plupart du temps, c’est le silence absolu, hormis quelques oiseaux qui gazouillent. Ce silence est très important pour moi. Tu peux prendre du temps pour toi et parcourir la nature. J’aime aussi créer ma trace. C’est vraiment fascinant d’observer d’en-haut sa trace dans le paysage. Par ailleurs, j’aime me confronter à la montagne.

Bien sûr. Le ski de randonnée est un sport très doux, qui ménage les articulations car il n’y a pas de chocs. L’âge n’est pas non plus déterminant; les personnes âgées peuvent parfaitement faire du ski de randonnée si elles le souhaitent.

Il y a de plus en plus d’adeptes du ski de randonnée, ce qui implique aussi des dangers. J’essaie donc de proposer des zones calmes et peu fréquentées à ma clientèle. Je peux passer un certain temps à imaginer un parcours qui réponde à ces critères. Le risque de blessure est plutôt faible. Selon les conditions, je conseille à ma clientèle de faire preuve de prudence, afin d’éviter les pierres par exemple.

Ce sport avait déjà gagné en popularité avant la pandémie de coronavirus. Mais depuis celle-ci, cette tendance est devenue encore plus marquée. Il y a tout simplement plus de monde partout. Beaucoup se disent: wow, c’est génial de pouvoir simplement se promener comme ça. Ils se contentent de suivre une trace sans savoir où elle mène. Des randonneurs nous ont déjà suivis et, lorsqu’ils nous ont rattrapés, ils nous ont demandé vers où on se dirigeait.

Oui, cela arrive malheureusement. Souvent, les dangers sont totalement sous-estimés. Voici une petite anecdote à ce sujet. J’étais à la cabane du Tierbergli et j’aidais mon fils, qui gère ce lieu avec sa famille. Deux randonneurs ont appelé le refuge pour signaler qu’ils n’arriveraient qu’à 18 heures au lieu de 16 heures. Je leur ai dit de faire demi-tour immédiatement parce que le temps était mauvais, qu’il y avait beaucoup trop de neige et que le danger d’avalanche s’était aggravé. Je leur ai proposé de se rendre à l’hôtel Steingletscher et de monter au refuge le lendemain, par beau temps. Ils voulaient y réfléchir. Finalement, ils ont suivi mon conseil et sont redescendus.

Oui, absolument. La planification du parcours et d’un bon horaire est très importante! Beaucoup se fient au bulletin d’avalanches. Mais en montagne, les choses vont parfois très vite: une vague de chaleur, l’arrivée du foehn, un brouillard soudain... la situation peut évoluer rapidement et faire passer le danger d’avalanche de «limité» à «très fort». Si l’on n’a pas d’expérience, cela peut avoir des conséquences dramatiques. En ski de randonnée, il faut toujours s’adapter à une nouvelle situation.

Le moment de la journée est extrêmement important; ce facteur est souvent négligé de nos jours. Et l’horaire est crucial: quand est-ce que je veux repartir ou arriver à la cabane?

Lorsque la température monte, la situation peut changer du tout au tout en une heure, ce qui peut s’avérer très dangereux. À cela s’ajoutent des facteurs tels que la météo, l’enneigement, la pente, le vent ou encore l’exposition. Il faut tenir compte de tout cela lors de la planification.

La vigilance tout au long du parcours est également cruciale.

• Puis-je continuer comme prévu?
• La neige est-elle encore bonne?
• Des avalanches se déclenchent-elles quelque part?
• Comment est le terrain?

Nombreux sont celles et ceux qui sous-estiment cela

Il existe de nombreux sites web comme gipfelbuch.ch (site disponible uniquement en allemand) ou skitourenguru.ch (site disponible uniquement en allemand) sur lesquels les utilisateurs/trices décrivent leurs excursions. Toutefois, ces récits sont subjectifs, car la perception est personnelle. Il faut faire preuve de prudence avec ces articles, car on ne sait jamais avec certitude qui les a rédigés. Il est dangereux de partir du principe que l’on peut refaire le même parcours dans les mêmes conditions. Le temps et d’autres facteurs peuvent changer. Bien que le GPS et la localisation du téléphone portable soient utiles, il ne faut pas suivre aveuglément la trace bleue sur l’écran. En montagne, il est décisif de prêter attention à la situation.

Les débutants/es doivent absolument réserver une excursion avec un/e guide. Ainsi, ils seront accompagnés par des personnes qui disposent de l’expérience nécessaire pour constamment réévaluer la situation pendant la randonnée. Sans ces connaissances, je ne peux que recommander de partir accompagné/e, en groupe. Il existe de nombreux prestataires et cours qui en valent la peine. Cela ne signifie pas pour autant que l’on peut partir seul/e après une semaine de cours; le ski de randonnée est trop complexe pour cela. Je pratique depuis une quarantaine d’années et je dois aussi sans cesse me pencher sur ces questions. Mais je peux m’appuyer sur mon expérience. Il faut avoir participé à beaucoup d’excursions en groupe avant de partir seul/e.

Commencer la montée par des mouvements lents, faire de grands pas et transférer le poids d’une jambe à l’autre. Souvent, j’allonge un peu le pas à partir de la hanche et je suis tout à fait décontractée dans ma chaussure. Je souhaite maintenir le rythme avec lequel je pars jusqu’au sommet, si ce n’est accélérer.

Je mange simplement de manière très équilibrée. Comme je passe beaucoup de temps dans les hôtels et les refuges, je mange ce que l’on me sert. J’ai un jardin chez moi et donc toujours des légumes frais, des salades et des pommes de terre. Il est aisé pour moi de garder une bonne forme physique, car j’ai besoin de bouger. Le ski de randonnée me maintient en forme. Je fais aussi parfois de la course ou du vélo. Le mouvement me fait du bien.

La popularité du ski de randonnée est actuellement en hausse. Malgré les applications spécialisées utiles et les autres outils similaires, il est important de ne pas négliger la responsabilité d’une planification minutieuse. Il est indispensable de réévaluer et d’estimer en permanence la situation actuelle en montagne. Le ski de randonnée devrait être accessible à toutes et tous, mais toujours dans un cadre sécurisé, idéalement avec l’aide d’un/e professionnel/le. Lors de randonnées avec des clientes et clients, j’apprécie beaucoup qu’ils et elles reviennent rayonnants et en pleine forme, car ils et elles me délèguent la responsabilité et peuvent simplement profiter de l’expérience.